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« Vous êtes au bon endroit au bon moment ». Il est près de 15 H 30 ce jeudi 6 février, et c’est la dernière ligne droite pour la centaine de participants du hackathon « Gen AI for public good » (l’IA générative pour le bien public) organisé par l’État français. Tandis que certains peaufinent encore leurs lignes de code, la majorité s’affaire à préparer leur présentation finale.

Dans quelques minutes, ils devront monter sur scène, prendre le micro, et convaincre le jury de quatre membres lors de cet événement international inédit, orchestré en prélude au sommet sur l’IA par la Dinum, la direction interministérielle du numérique de l’État.

Depuis la veille au matin, codeurs et utilisateurs du secteur public et privé s’activent au ministère de la Fonction publique, un ancien hôtel particulier de la rue Grenelle. Dans des salles ornées de lustres majestueux et de plafonds dorés, on échange à voix basse, on tape sur les claviers, et l’ambiance est électrique alors qu’ils travaillent en petits groupes de trois à six personnes.

Moins de 48 heures pour une solution IA innovante

La pression monte, et certains se ravitaillent en café ou soda, jetant un coup d’œil rapide à l’immense jardin intérieur du ministère. Leur objectif commun : créer une solution IA innovante pour les agents ou usagers du service public.

Les projets sélectionnés bénéficieront d’un accompagnement de six mois au sein de l’incubateur Alliance de la Dinum, une étape cruciale pour « passer à l’échelle ». Pour atteindre ce but, les équipes n’ont que 48 heures devant elles. Chaque minute compte.

Certains se sont concentrés sur des problématiques algorithmiques, d’autres sur des cas d’usage concrets – des applications IA spécifiques pour les agents ou les usagers. Parmi les 17 projets en compétition, on trouve des idées aussi variées que la simplification de courriers administratifs, la synthèse de dossiers judiciaires, la traduction de documents techniques, ou des interfaces pour faciliter la navigation web pour les personnes âgées et les étrangers.

À l’ouverture du hackathon, nombreux sont ceux qui ne se connaissaient pas encore, certains n’étaient même pas rattachés à un projet. « Nous n’avons pas pu venir avec une équipe », expliquent ces deux Québécois de l’université Laval, qui collaborent avec le gouvernement du Québec pour la transformation numérique. « Quand nous avons entendu parler du projet d’éditeur de textes dopé à l’IA, nous avons levé la main pour y participer ».

D’autres ont dû s’accorder sur la solution à développer. « Après avoir échangé de nombreuses idées, nous avons réalisé que l’accessibilité était un domaine où nous pouvions apporter des améliorations », mentionne Myriam Fogelman. Son équipe a développé Albertine, « la petite sœur d’Albert, une extension de navigateur qui rend une page web plus accessible » en expliquant les étapes d’une procédure, et en mettant en avant les informations clés.

Albert et l’usage des données administratives

Une fois les équipes formées, les participants ont pu se connecter à l’API Albert, un LLM as a service, développé par la DINUM et hébergé sur du SecNumCloud, le plus haut label de cybersécurité de l’État.

Les équipes avaient aussi à disposition « le plus grand ensemble de données administratives au monde », incluant des données publiques comme celles du service public.fr, les données de la DILA, les institutions européennes, les brevets, et les décisions administratives, énumère Ulrich Tan, chef du « Datalab » et chef d’orchestre du hackathon.

Grâce à l’API et aux jeux de données, les équipes ont pu se concentrer sur l’« innovation publique ». Une innovation qui peut avoir un impact significatif pour les agents publics, comme cette solution de résumés administratifs, s’enthousiasme Ulrich Tran. Ces tâches qui prenaient auparavant 2 à 3 jours peuvent désormais se faire en 20 minutes : c’est autant de temps libéré et d’argent économisé pour le contribuable, ajoute-t-il.

« L’ambition française de s’affranchir des majors (américains) »

Mais il est déjà 15 H 30, et pendant près de deux heures, les présentations s’enchaînent, accompagnées d’applaudissements et de rires, malgré quelques soucis techniques. Bien qu’il n’y aura que deux lauréats et un prix spécial du jury, d’autres projets pourraient trouver preneur. « Si d’autres solutions se révèlent particulièrement intéressantes, nous n’hésiterons pas à les soutenir », explique Ulrich Tran. C’est ce que tous les participants espèrent, en majorité français, bien que des équipes allemandes, britanniques et canadiennes aient fait le déplacement.

« Nous apprécions en France, du point de vue québécois, la volonté du gouvernement français de s’affranchir des géants américains », reconnaît Eric Demers, l’un des deux participants canadiens. Un peu plus tôt dans la matinée, le ministre de l’Action publique, Laurent Marcangeli, est justement venu promettre à tous les agents publics « un ChatGPT souverain ».

Open Source : Un pilier de l’innovation publique

« Nous avons créé Albert justement pour avoir des outils, des alternatives à OpenAI (créateur de ChatGPT) », explique Ulrich Tran. Pour le hackathon, la règle est simple : « tout ce qui est utilisé doit être open source. Cela signifie que ce n’est pas seulement nous (l’État) qui pouvons le réutiliser, mais tout le monde », confirme le responsable du Datalab.

Après la phase de pitch, les résultats sont annoncés en fin de journée. SONIC, un projet visant à faciliter la compréhension de l’AI Act, et De Facto, un assistant juridique visant à réduire les délais de la justice, remportent la victoire. Un prix spécial est décerné à « Eliane », un agent conversationnel destiné à simplifier les démarches administratives.

Les 15 autres projets repartent donc bredouilles, mais certains envisagent déjà de revenir à la prochaine édition ; pour l’ambiance, pour l’effervescence et pour la création collective. Cela tombe bien : l’année prochaine, la Dinum prévoit d’organiser un autre hackathon IA, sur un thème différent.

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