« Vous pouvez retourner toutes les poubelles que vous voulez, mais dans les ministères, il n’y a pas d’Amazon » : Ainsi déclarait le directeur de projet cloud de la Dinum (direction interministérielle du Numérique de l’État) le 18 mars, affirmant qu’AWS, la célèbre division cloud d’Amazon, n’hébergeait aucune donnée des ministères français. Pourtant, bien que l’ombre d’Amazon soit absente, celle de Microsoft, un autre géant américain du numérique, plane bel et bien.
Un avis public daté du 14 mars et remarqué par plusieurs médias le 18 mars a révélé que le ministère de l’Éducation nationale allait collaborer avec Microsoft pour ses services centraux et établissements. Le lendemain, une autre révélation a fait surface : la prestigieuse école d’ingénieurs Polytechnique avait discrètement décidé de migrer ses données vers le cloud de Microsoft.
Ces décisions ont provoqué l’indignation parmi les entreprises et politiques européens, surtout à une époque où les tensions géopolitiques avec les États-Unis incitent l’Europe à rechercher une plus grande autonomie numérique. Découvrons ensemble les dessous de cette polémique.
Pourquoi Faut-il Privilégier les Solutions Européennes ?
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, les appels à favoriser les solutions numériques européennes se multiplient. Le député Philippe Latombe (Les Démocrates) résume bien la situation : « Nous sommes aujourd’hui dans une dépendance aux outils américains à 100 %, ce qui fait que dans le contexte actuel, nous risquons d’avoir un problème ».
La dépendance numérique de l’Europe pourrait devenir une arme politique pour Washington. Sur le plan commercial, cela pourrait se traduire par une augmentation drastique des tarifs de Microsoft ou par des mises à jour non effectuées, souligne l’élu de Vendée.
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Pour pallier cette dépendance, de nombreux responsables politiques européens, dont des Français, prônent le développement de l’écosystème technologique européen. Lors d’un événement organisé par la Dinum, Clara Chappaz, ministre déléguée à l’IA et au Numérique, a déclaré qu’il était temps de faire « le choix politique de l’Europe ». Elle recommande les solutions de fournisseurs européens, en opposition aux hyperscalers américains tels que Microsoft Azure, AWS et Google Cloud.
Microsoft, un Choix Contesté pour les Données Sensibles
Dans ce contexte, il était surprenant de voir l’École Polytechnique et le ministère de l’Éducation nationale opter pour des solutions américaines. Ce choix a choqué les entreprises numériques françaises et européennes. Le CNLL, l’Union des Entreprises du Logiciel Libre et du Numérique Ouvert, a qualifié ces décisions d’« inacceptables » dans un communiqué.
Malgré la volonté affichée d’indépendance, de nombreux projets sont encore confiés à des acteurs non européens, déplore OVHCloud. Pour Hexatrust, l’association représentant les acteurs européens de la cybersécurité, c’est rien de moins que du « sabotage ». Jean-Noël de Galzain, président d’Hexatrust, plaide pour investir les 150 millions d’euros du contrat avec l’Éducation nationale dans l’industrie locale.
Que Couvre le Contrat avec Microsoft ?
Microsoft a décroché un contrat cadre pouvant atteindre 152 millions d’euros sur quatre ans, pour équiper le ministère de l’Éducation nationale et les établissements supérieurs de ses solutions. À Polytechnique, les services informatiques migrent vers Microsoft, tandis que les messageries des étudiants sont déjà hébergées par la firme américaine. Ce choix, pris sans grande concertation, soulève des inquiétudes sur la protection des échanges et des données sensibles.
Philippe Latombe a adressé deux questions écrites à Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, demandant l’annulation de ces contrats, jugés contraires à la doctrine de l’État. Le CNLL qualifie ces décisions d’« illégales », car elles contreviennent au droit européen et national.
Pourquoi Choisir un Hyperscaler Américain ?
Alors que les administrations ne peuvent pas choisir n’importe quel fournisseur de cloud, la doctrine « Cloud au centre de l’État » impose l’usage de fournisseurs labellisés SecNumCloud pour les données sensibles. Philippe Latombe demande à Élisabeth Borne comment elle compte contraindre Polytechnique à appliquer ces directives. Le recours à Microsoft est-il une question d’habitude ou de facilité ?
Pour Jean-Noël de Galzain, il est temps de reconsidérer notre manière d’acheter des solutions numériques. Avec une industrie numérique en pleine croissance en Europe, la commande publique doit devenir un levier stratégique pour reprendre le contrôle du destin numérique européen.
Philippe Latombe évoque la « faiblesse » de l’administration face à la séduction du géant américain. Il exhorte le gouvernement à prendre ses responsabilités et à agir concrètement pour garantir l’autonomie numérique de l’Europe.
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